Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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lui en fait des reproches à l’hôtel-de-ville : ils’évade, mais au bout de la place il recoit un coup de pistolet; on lui coupe la tête, et cette tête sanglante et celle de Launay sont promenées dans Paris à laypointe d’une pique.

La nuit survint sur ses entrefaites ; et le bruit ayant couru que les troupes allaient entrer par la barrière d’Enfer , le tocsin sonne: chacun prend ses armes et court à son quartier; on traîne les canons; on court à la barrière, où on faitplusieurs décharges d'artillerie; toutes les maisons sont éclairées; on dépave les rues pour en porter les pierres dans les appartemens, et les femmes se préparent à en écraser les soldats. Tant de courage et d’activité sauvèrent encore une fois les citoyens.

A Versailles la cour ne voulait pas croire la prise de la Bastille ; car, de tout temps, elle avait été jugée imprenable. Mais l’assemblée nationale attachait un grand caractère à ces circonstances, en créant un comité chargé de présenter un plan de constitution pour le peuple, dans le temps même où la cour s’occupait à le remettre sous le joug. Cependant Passemblée envoya deux fois au roi ; et deux fois le roi répondit d’une manière vague, sans accorder le renvoi des troupes. Alors elle se décide à passer une seconde nuit, et à tenir séance jusqu’à ce qu’elle eût obtenu sa demande. Cette nuit, si déchirante pour ceux qui portaient sur leurs têtes toute la confiance et tout l'espoir de la patrie, ils la passèrent dans une inquiétude aussi grande que la précédente, moins affectés de leur danger personnel, que des maux auxquels la France allait être livrée , s’il leur arrivait le moindre mal, Tandis que la plupart des députés cherchaient sur des bancs , sur des tables, sur des tapis, le sommeil que demandait la nature, etqui fuyait de leurs yeux, M. de Liancour, l’un d’eux sauvait l’état: il était grand-maître de la garde-robe, estimé du roiet de tous les honnêtes gens, et purtait la patrie dans son cœur. Il se rendit chez le roi durantla nuit, tandis qu’il n’était pas investi de ses conseils perfides; il l'éclaira sur la situation de la France, et sur les dangers que couraient le roi lui même et la famille royale, s’il ne changeaitles mesures désastreuses qu’on lui avait inspirées: Il ne faut à Louis XVI que des conseillers dignes de son cœur, ami du bien. Monsieur , frère du roi, appaÿa les discours de M. de Liancour ; et le roi se rendit, le lendemain, à l'assemblée nationale sans pompe et sans cortége; au moment où elle allait lui envoyer une nouvelle députationLe peuple, qui était sur ses pas , gardait ce silence morne dans lequel nos rois ont toujours trouvé deslecons. L'assemblée observa la même contenance; mais quand le roi eut annoncé qu’il voulait êtreun avec la nation, qu'ilse fait à ses représentans, qu'il avait donné ordre aux troupes de s'éloigner de Versailles