Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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à celui de Paris agité par une grande passion, parce que, dans aucune , la communication n'est aussi prompte, ni les esprits aussi actifs. Paris renferme dans son sein des citoyens de toutes les provinces , et du mélange de ces caractères divers se com_ pose le caractère national, qui se distingue par une étonnante

impétuosité. Ce qu’ils veulent faire est fait. À deux heures après minuit la députation de l'assemblée arriva à Paris; et à sept heures du matin, une haie de cent cinquante mille hommes sur trois ou quatre de front, était formée de Passy à l’hôtel-de-ville. Cette multitude enrégimentée attendait le roi. En vain la famille royale chercha à l'empêcher de partir et à lui inspirer des terreurs : il fat inébranlable ; car il se fiait à son peuple et à sa conscience. Il savait bien et nous savions aussi que ce n’était pas de lui qu’étaient venus tant de conseils pernicieux qui avaient pensé allumer la guerre civile. Le roi, dans un équipage peu fastueux, et simplement vêtu, entra avec cette confiance qui lui est naturelle :les députés l’accompagnaient à pied. Mais ce n’était plus le spectacle de la veille, cet abandon délicieux de cœurs qui surabondent de joie. Le souvenir du passé, l'incertitude de l'avenir, le sentiment éppressif d’une calamité réelle et secrète, retenaient, par un concert unanime, les expressions d’une joie qui ne pouvait être entière. On n’entendait que le cri de vive la nation! c'étaient les oracles de la volonté publique qui demandaient que la nation fût heureuse et libre. Cependant le roi, qui avait été frappé du spectacle le plus imposant qui puisse être offert au chef de tant d'hommes, fut touché à l’hôtel-deville des discours éloquens qui lui furent adressés par le maire, par le président des électeurs, et par M. de LallyTolendal. Mon peuple, dit-il d’an ton ému, mon peuple peut toujours compter sur mon amour. Il prit la cocarde nationale des mains du maire , et parut à la fenêtre de l'hôtel-de-ville , portant ce signe de l'alliance qu’il contractait avec la nation. Ce fut alors que ce peuple confiant , et qui n’attendait qu’une preuve de l'amour du roi, se livra aux éclats de la joie la plus vive ; les cris de vive Le roi retentirent par-tout; le canon annonça l’heurenx moment tant attendu; et le roi, retournant à Versailles, ne vit plus que les témoignages d’une joie qui allait jusqu’à l'ivresse : tant les rois ont peu à faire pour s’attirer l'amour des peuples !

Ce fut ainsi qu'échoua lun des plus horribles complots qui aient été ourdis contre une nation. Cependant les suites de ces événemens devaient être proportionnées à leur grandeur. On a vu, dans cette courte histoire, que, depuis plusieurs années, la cour dont tout le monde était las, et qui pourtant voulait conserver ses abus , luttait avec désavantage contre l'opinion