Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 45

publique. Par un des malheurs attachés au trône, elle se couvrait toujours du nom du roi ; elle opposait ce bouclier à tous lestraits qu'on lui lançait, etse servait ensuite de la main royale pour lancer des traits à son tour. Elle persuadait au monarque que tout ce qui était dit et fait contre elle était dit et fait contre lui, Ainsi ce prince, dont les mœurs étaient naturellement simples et sévères, qui n’aimait pas le faste, dont les besoins étaient bornés, et qui n'avait d’autre désir que de voirses peuples heureux, couvrait néanmoins de son nom une foule d’iniquités. Cependant on Jui dictait toujours des démarches exagérées, que toujours il était obligé de rétracter; sans cesse on l’amenait à la charge contre l'opinion publique avec toute la force du despotisme, et sans cesse il était obligé de reculer devant cette phalange invincible et qui avancait toujours. Tout le monde rendait justice au roi, mais on s’aigrissait contre la royauté; et la cour, diminuant le-respect que l’on portait au trône, faisait gagner à la liberté tout ce qu’elle faisait perdre au despotisme.

Ceux qui, pour se soutenir, s’attachèrent à elle furent nécessairement entraînés dans la même déroute. Le haut clergé ne put y résister; et bien que la cour trouvât dans ses conseil quelques-unes de ses vieilles ressources qui sont familières à l’église, cette alliance ne servit encore qu'à les perdre tous deux par le rapport connu de leurs mœurs. La noblesse de la cour entraîna avec elle toute la noblesse de province, dont, auparavant, elle était haïe et même méprisée. De bonne heure on parvint à persuader à tous les nobles qu’ils devaient faire ligue commune avec l'autorité; et par cette guerre de tous contre letiers-état, celui-ci resta convaincu que, s’il n’était pas tout, il ne serait rien. D'autres hommes à abus n'étaient pas encore de la ligue, mais ils se disposaient à y entrer par lepressentiment de ce qu'ils pouvaient perdre; et le royaume avait deux partis bien prononcés, celui de la cour et celui du peuple. De Rà sont venus les noms d’aristocrates et de démocrates, de royalistes et de patriotes. -

Cependant cette dernière victoire du peuple sur la cour occasionna une grande convulsion au royaume, comme ces éruptions du Vésuve qui produisent au loin de vastes ébranlemens. Tous ceux qui, à la cour, craignaient les vengeances Pope, oules poursuites juridiques contre la conjuration, se bâtèrent de fuir sous diverses sortes de déguisemens. Les ministres disparurent. M. Foulon se fit passer pour mort. Madame de Polignac et sa famille prirent la route de Basle, où le hasard leur fit rencontrer M. Necker. Le maréchal de Broglie se réfugia à Luxembourg, et les principaux officiers de son armée s’occupèrent à chercher des asiles. Enfin M. le prince de

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