Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

5o ASSEMBLEE

Condé et M. le comte d’Artois s’enfuirent aussi, et portèrent chez les étrangers leur haîne pour la France, et cette longue fureur que le temps n’a fait qu’accroître. M. de Calonne, que rameénaient à Paris sa haïîne contre M. Necker, etsa rage contre les Français qu’il allait, dit-on, gouverner , se rabattit sur Bruxelles, où la dernière et longue erreur des princes a voulu qu'ils aient eu recours à ses conseils. C’était toujours la cour de France: mais elle ne conspirait qu’au dehors, et lepeuple en était momentanément soulagé, La reine et Monsieur restèrent seuls sur les débris; l’une décidée à persévérer, et l’autre à voir et attendre,

Cependant le peuple irrité, ce peuple qui, tout-à-coup et par tant de fautes consécutives, franchissait en un jour le passage dangereux de l'esclavage à la liberté, se vengea sur les nobles d’une conjuration où tout lui faisait soupconner qu'ils étaient presque tous entrés. Nous l'avons dit, et c’est la clef de tous ces événemens, c'était la guerre entre le bien publie et les priviléges. M. Foulon est arrêté, conduit à Paris, et immolé par le peuple furieux, malgré les soins que se donnèrent M. de la Fayette, le nouveau maire, le comité, tenant encore à peine les rênes flottantes qui leur avaient été confiées ; sa tête sanglante et livide fut portée dans les rues. M. Berthier, son gendre, intendant de Paris, est arrêté à Compiègne, conduit dans la capitale le soir même de la barbare exécution de Foulon, et massacré comme lui. Un peuple féroce s’acharne sur le corps de la victime; un barbare lui arrache le cœur, qu’il porte au bout de son coutelas'et sa tête est promenée avec celle de Foulon. Sans doute il y avait beaucoup de reproches à leur faire; mais leurs crimes contre le peuple étaient ceux d’un temps où les ordres de la cour justifiaient tout. C'était une crise bien déplorable que celle où le peuple, n’espérant plus de justice, se croyait En droit de sela fairelui-même. Paris devenait inhabitable si ces horreurs eussent continué.

Au même temps, et à l'exemple de Paris, tous les citoyens de l'empire prennent les armes pour leur sûreté; tous se forment en compagnies, en bataillons et enrégimens. Un bruit se répand, dans tout le royaume à-la-fois, que les princes fugitifs se proposent d'attaquer la France; on ajoute que des milliers de brigands vont arriver, qu'ils sont là, qu'il n’y a pas de temps à perdre pour se défendre; que des courriers, que Personne ne voit, en ont apporté la nouvelle. Les plus P?reSeux sont aiguillonnés par la terreur panique, et, dans huit jours, trois millions d’hommes sont enrégimentés , et la cocarde auxtrois couleurs décore tounteslestêtes. Les anciennes municipalités , Presque par-tout suspectes, sont par-tout remplacées par des comités qui dirigent la chose publique ; et je