Étude sur les idées politiques de Mirabeau
LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 67
soupçonneuse et révolutionnaire. « Ne punissez pas la calomnie, s’écrie un rédacteur du Courrier de Provence, ce serait faire peur à la presse! ! » Mirabeau n’a garde de contredire son journal
sur ce point. Poussé par ses haïnes personnelles, il ne se fait faute de dénoncer ses ennemis? et de réclamer le droit de délation pour ses collègues comme pour lui-même.
Mirabeau prête une grande attention à l’organisation du corps représentatif et à l’ordre intérieur des séances. Il critique souvent la tenue des députés, leur incapacité, leurs discours académiques pleins d’un pathos classique, dont il n’est pas exempt lui-même. Il leur reproche ces éloges, ces remerciements empreints d’une flatterie courtisanesque à l’égard du peuple. Il veut remédier au désordre des séances, bien qu’il s’y trouve comme dans son élément. Semblable à Démosthène, il aimait à couvrir de sa voix le bruit de la tempête. Il n’en approuve pas moins le droit de censure que l’Assemblée exerce sur ses membres ; il demande qu’il s'étende jusqu'à l'exclusion absolue pour toute la durée de la législature, mais non au-delà 5. Il propose, pour vérifier un vote, d'observer la pluralité simple. Enfin il regrette que l’Assemblée répartisse son travail entre des comités, que nous appellerions aujourd'hui commissions. Il ne s’y rend jamais, Il leur reproche d’usurper l'autorité des ministres. Mais ce n’est pas son véritable grief. Ces comités demandaient des conseillers calmes et froids qui exposassent leurs raisons avec poids et mesure. Rien n’était plus contraire à l'éloquence brillante de Mirabeau dont le souffle puissant soulevait des milliers d’auditeurs.
C’est peut-être pour ce dernier motif que Mirabeau finit par repousser la coexistence de deux chambres. Dumont prétend qu'à l’origine il était favorable à la dualité. « Tous deux, dit-il en parlant de Mirabeau et de Sieyès, sentaient bien qu'une assemblée unique n’avait aucun régulateur®. » Il raconte que le grand orateur lui dit, la dernière fois qu’il le vit : « Ah! mon ami, que nous avions raison, quand nous avons voulu, dès le commencement, empêcher les communes de se déclarer assemblée
Ibid., v. IX, p. 494.
Ainsi le garde des sceaux Barentin, les ministres Saint-Priest et La Luzerne. Courrier de Provence, v. VI, p. 119.
Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 382-383.
Dumont, p. 148.
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