Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 95

établit les droits de la nation sur les biens du clergé. C'était le premier pas : le second était de profiter de cette confiscation.

Le papier-monnaie était antipathique à Mirabeau au même titre que les actions des banques. Mais, devant la grandeur de la dette, c'était le cas ou jamais de revenir encore une fois sur ses principes. Mirabeau, d’ailleurs, distinguait le papier-monnaie « d’un papier hypothécaire ou billet d'Etat auquel il fallait bien, en certains cas calamiteux, que la société se résignât*. » Il proposa une émission d’assignats, strictement limitée à la valeur des biens ecclésiastiques qui présentaient une garantie suffisante à la confiance de la nation?. Quatre cents millions d’assignats, déjà émis, ne suffisant pas, il fit voter par l’Assemblée une nouvelle émission de huit cents millions. Les biens nationaux valaient quatre fois autant‘. Mirabeau ne négligeait d’ailleurs aucun détail. Il s’occupait avec Reybaz d'assurer une bonne fabrication des assignats®. Il voulait aussi remplacer la monnaie de cuivre par la monnaie de billonf. En faisant adopter ces projets, Mirabeau se vante d’avoir puissamment servi la cause de la liberté. Il appelait la création des assignats « le sceau de la Révolution’. » Cette création, ainsi que la multiplication du nombre des petits propriétaires, assurait au nouveau régime des partisans innombrables. Ils lui restèrent opiniâtrément attachés au moment de la Restauration. Vers la fin de sa vie, Mirabeau pensait qu’un tiers des biens du clergé suffirait à acquitter la dette nationale®. Mais malgré le conseil qu’il avait donné de se servir des assignats avec modération, l’Assemblée en établit bientôt le cours forcé. Ils furent augmentés sans mesure et la situation financière de la France retomba dans l’état le plus déplorable.

Mirabeau n'en est pas responsable. Il chercha toujours un moyen honnête de tirer son pays d'embarras, soit en combattant

1. Plan, Un collaborateur de Mirabeau, p. 74 et 75. 2. Moniteur. Discours du ?7 août et du 17 septembre 1790. Cf. Reynald, p. 269-273. 3. En décembre 89. H. Martin, Histoire de la Révolution, v. 1, p. 120. 4. Plan, p. 82. 5. Plan, p. 87. Courrier de Provence, v. XI, p. 12 et 13. 6. Martin, v. I, p. 146. ‘ 7. Lettres à Mauvillon, p. 524. 8. Reynald, p. 273-279. 9. Malouet, Mémoires, x. Il, p. 13. 10. Le 17 avril 1790, H. Martin, v. I, p. 120.