Étude sur les idées politiques de Mirabeau

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l'agiotage, soit en prévenant la banqueroute. Il défendait les bons principes : on peut croire que c'était avec conviction. Il fut accusé alors d'hypocrisie. Cette accusation porte à faux. Assez de calomnies déjà ternissent sa mémoire, assez de soupçons planent sur sa conduite politique que l’histoire doit chercher à expliquer en toute impartialité.

MIRABEAU A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

TENTATIVES DE MIRABEAU POUR SE CONCERTER AVEC LE POUVOIR.

(Mai 1789-mai 1790.)

On vient d'exposer le programme politique que Mirabeau devait s’efforcer de remplir à l’Assemblée nationale. Comme son but était de faire accepter à Louis X VI une Constitution libérale tout en conservant à la France sa forme monarchique, il devait s'entendre aussi bien avec les ministres du roi qu'avec les reprèésentants de la nation et obtenir des uns, comme des autres, un compromis entre les traditions du passé et les réformes de l’avenir.

À cet effet, pendant la première des deux années que dura sa carrière parlementaire, il fit des avances réitérées au Pouvoir. Déjà, avant l'ouverture des états généraux, en même temps qu’il demandait à Montmorin de patronner sa candidature, il l'avait prié de lui indiquer la conduite qu’il comptait suivre pour règler l’ensemble des réformes. Le ministre ne lui fit aucune communication, et pour cause, de sorte que Mirabeau dut attendre patiemment que le gouvernement se montrât plus traitablet. Aussi, les états généraux une fois ouverts, jugea-t-il que le premier succès qu'il devait chercher était la constitution du pouvoir populaire. Dans ce dessein, il conseïlla aux membres du tiers d’obliger, par leur inaction même, les deux autres ordres à se joindre à eux afin de vérifier les pouvoirs et de délibérer en commun. Une conduite plus énergique aurait pu compromettre l'existence des députés du peuple, car l'aristocratie les menaçaït encore, et Mirabeau crai-

1. En décembre 1788. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 340-343. La Fayette, . Il, p. 360. Loménie, Mirabeau ei son père, p. 11.