La Serbie

Samedi 23 Février 1918 — No8.

LA SERBIE

Re

responsabilités" est que nous élions décidés à affronter une guerre générale plutôt que de supporter plus longtemps les continuelles provocations de la politique panserbe, le pan serbisme menaçant notre existence ; il avail occasionné déjà plusieurs mobilisations el des dépenses se chiffrant par d'innombrables millions, il mettait dimectement en cause l'intégrité de la monarchie el agissait sur elle comme un dissolvant. » (sic!)

Le comle Andrussy n'hésile pas à nous reprocher les mobilisations que l'Autriche avait faites pour nous empêcher de protester

LA BULGARIE ET

contre l'annexion de la Bosnie; contre la violation d’un contrat international grâce à laquelle les deux millions de nos frères devenaient contre leur volonté sujets autrichiens. IL nous fait griel aussi de celle ique l'Autriche fit pour nous empêcher de rester à Scutari et d'obtenir laccès à la mer, cet accès que le comte Andrassy Juimême se déclare maintenant prêt à nous accorder. Nous ne serons point surpris si un jour le comte Andrassy veuail nous reprocher d'avoir battu l'armée de Pottiorek qui entrait en Serbie dans le bu de nous «civiliser ».

* M D. M.

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LA PAIX SÉPARÉE

[l résulte des renseignements qui nous parviennent de Buigarie même, soit par la voie de la presse bulgare, soit par les Balgares récemment arrivés en Suisse, que les arrangements intervenus entre la Russie et la Quadruple Alliance ont produit dans le pays un grand enthousiasme raffermissant en même temps l’espoir du « triomphe final » de la Quadruplice sur l’Entente. On dirait que le peuple bulgare profite de cette occasion pour démontrer une fois de plus les bonnes dispositions et les vives sympathies qui laniment à l'égard de la cause germanique. Depuis la droite avec M. Chechoff (narodniak) et Modaneff (progressiste) jusqu'à l’extrême-gauche avec les radicaux, les socialistes et les agrariens en passant par les démocrates de M. Malinoif, sans parler des trois fractions libérales qui gouvernent aujourd'hui le pays, leur désir sincère publiquement proclamé, c’est de voir les puissances centrales arriver à une paix qui leur assurerait la prédomination sur le monde et d'où résulterait la satisfaction complète des aspirations bulgares aussi bien en Macédoine et en vieille Serbie qu’en Dobroudja et en Grèce. Ce sentiment général est dû au culte germanique qui a envahi le peuple tout entier et qui entretient en lui l’amour et la fidélité à l’alliance avec Jes empires centraux.

Ces réflexions méritent d’être particulièrement soulignées au moment même où la diplomatie bulgare, à l'instar de la diplomatie allemande, et peut-être poussée par celle-ci, cherche à entrer en pourparlers fictifs avec les puissances de l’Entente en vue d’une prétendue paix séparée. Nous avons connu une entrevue qui eut lieu à Thonon les premiers jours du mois de septembre 1917 entre un diplomate anglais et l’archimandrite bulgare Stephan par l’intermédiaire de l’ancien ministre de Bulgarie à Londres, M. Tsokoff, actuellement à Paris, 21, avenue Victor-Hugo. Nous avons connu également les conversations de M. Anchelolf, ancien consul de Bulgarie à Manchester, séjournant toujours dans cette dernière ville, avec M. Passaroff, ministre de Bulgarie à Berne, par l'intermédiaire de M. Kouyoundjian, ancien consul honoraire d'Angleterre à Philippopoli (Plovdiv). Nous avons eu connaissance d’un entretien qui eut lieu à Ragaz (Suisse) au mois de juillet 1917 entre le publiciste bulgare

Oustabachieft arrivé de Paris comme repré sentant de M. Tsokoïf d’une part, et de l’autre, l’archimandrite Stephan et l’écrivain bulgare Andréïtchine. Nous savons en outre les intrigues du ministre de Bulgarie à Washington, Panaretolff et celles du représentant des Etats-Unis à Sofia, M. Murphy, et nous avons appris tout dernièrement qu'un grand industriel d'essence de rose en Bulgarie cherche à entrer en contact avec les milieux américains pour leur « expliquer » la politique bulgare.

Devant ces faits, nous ne pouvons pas nous abstenir de crier encore une fois, et de toute notre voix, « gare à la diplomatie française, à la diplomatie anglaise, à la diplomatie des Etats-Unis ». Les offres bulgares ne sont pas sincères. Elles ne peuvent pas être sincères, Pour ceux qui connaissent le véritable état d'esprit qui règne en Bulgarie et les espoirs sublimes dont le peuple bulgare est nourri par une propagande allemande sans scrupules et sans bornes, à la fois habile et autoritaire, aucun doute que la Bulgarie n’aille avec les empires centraux jusqu’au bout. Nous n’avons pas besoin d’énumérer ici les faits d'ordre matériel, l’envahissement de la Bulgarie par les troupes allemandes, la main-mise économique, la disposition des troupes bulgaro-allemandes en Macédoine qui efacent complètement le commandement bulgare et rend la trahison impossible, sans parler des sentiments personnels du tsar Ferdinand, sans mentionner les engagsments des gouvernants bulgares et de nombreux politiciens et députés, pour lesquels un relâchement de l'Allemagne constituerait un véritable désastre. Il suffit de rappeler ici qu'il n’y a pas en Bulgarie un seul homme d'état, depuis la droite jusqu'à l'extrême-gauche, qui serait opposé à lalliance avec l'Allemagne. Une paix séparée de l’Entente avec n'importe quel groupement politique en Bulgarie nécessiterait, tout d’abord, la réalisation complète et absolue de la soi-disant unité bulgare. Se trouvera-t-il un gouvernement allié pour souscrire à un agrandissement de la Bulgarie au dépens de la Serbie, de la Grèce et de la Roumanie ? Peut-on supposer l'agrandissement de cette Bulgarie dont l'intervention a prolongé la guerre, a retardé la paix, a provoqué des sacrifices inouis à l’Entente ? Une grande Bulgarie avec son

esprit prussien, une Bulgarie qui, depuis son indépendance ne professe que des idéals de conquêtes et de domination sur les Balkans, lorsque cette Bulgarie se dressera demain avec une population de 9 millions, la paix dans les Balkans ne sera qu’une fiction. Et l’arrogance bulgare sera d'autant plus grande que cet agrandissement aura été consenti par les puissances de l’Entente qui ont proclamé hautement leur désir de reconstituer l'Europe sur la base du Droit et de la Justice. . Pourquoi alors causer avec les représentants officieux du gouvernement Bulgare puisqu'il n’y à aucune chance d’arriver à un accord quelconque ? Comment la diplomatie de l’Entente ne voit-elle pas que ces concessions faites par l'intermédiaire d’un Tsokoff ou d’un Ancheloff produisent un effet tout contraire : La Bulgarie pense alors que l’Entente n’est pas très sûre d'elle-même et puise dans cette pensée un courage nouveau, redoublant d'énergie pour soutenir la cause germanique et partant sa propre cause. Î faut comprendre une fois pour toujours que la pensée intime du gouvernement bulgare chaque fois qu il laisse un de ses émissaires parler de la paix séparée n’est autre que de tendre un piège ou de se renseigner sur les véritables dispositions de l’Entente envers la Bulgarie et sa cause. Que la diplomatie de l’'Entente ne s'étonne pas si, à la conférence de la paix, le gouvernement bulgare invoque, à l'appui de sa cause, les quelques concessions que certains diplomates anglais, français et américains avaient cru opportun de formuler devant quelques agents bulgares, croyant naïvement que la Bulgarie se laisserait influencer par la douceur. Erreur, trois fois erreur ! L’Entente doit parler à la Bulgarie haut et net, avec énergie ; elle doit faire comprendre à Sofia que le principe des nationalités s'oppose formellement à l’ensemble des aspirations d'un peuple responsable de tant de crimes. Qu'on ne détourne pas le regard des Balkans où il y a une Bulgarie parfaitement animée d’une haine mortelle contre l'Entente et dévouée, jusqu'aux sacrifices, à l’Allemagne.

Léon SAVADIIAN, Directeur de l'Agence Balkanique.

Les femmes serbes aux féministes anglaises

Nous siommes priés de publier la-lettre suivante que la Ligue nationale des fémmes serbes avait envoyée au parti féministe anglais comme réponse à son manifeste adressé aux femmes des nations allies :

« Le pas que vient d'accomplir le féminisme en Angleterre avec la loi électorale

conférant le droit de vote à six millions

de femmes environ, provoque une vive’

joie dans les milieux de la Lique nationale des femmes serbes. Notre Ligue est fermement convaincue que, grâce à ce précédent dans la législation anglaise, la Serbie, déjà démocratique de par le caractère même de son peuple, ne tardera pas à suivre l'exemple de sa grande alliée, l’'Angleterre, et à fournir ainsi aux femmes serbes la possibilité de contribuer plus efficacement à la victoire finale des Alliés et à la réalisation des principes qu’ils ont proclamés. « Le manifeste, dans lequel le parti féministe anglais envoie son salut aux femmes des nations alliées, est des plus réconfortant et des plus rassurant pour Je peuple serbe. Nous y constatons avec sa. tisfaction que le parti féministe anglais ne se fait pas d'illusions sur les alliés du matérialisme teuton.

« Les femmes serbes rendent hommage à la clarté avec laquelle le parti féministe anglais envisage le principe de justice et de liberté : en effet, la Serbie ne combat pas seulement pour sa restauration, mais en premier lieu pour libérer ses fils Serbes, Croates et Slovènes du joug des AustroMagyars et des Bulgares, alliés et complices des Allemands.

«Les femmes serbes sont irès touchées de la fidélité que jurent les femmes-électeurs britanniques à la Belgique et à la Serbie, et elles leur envoient l'expression de leur plus profonde reconnaissance.

« Considérant que la victoire de l'idée

:

féministe en Angleterre est en même temps …

une victoire sür l'ennemi commun, la Ligue nationale des femmes serbes envoie au parti féministe britannique son salut le plus cordial et le plus patriotique. »

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Le «Mitteleuropa» une réalité!

Tout le monde à reconnu le caractère menaçant du plan des Empires Centraux de former un bloc économique baptisé du nom de « Mitteleuropa ». Aidés par la décomposition russe, Les Impériaux s’efforcent sérieusement de réaliser à présent ce que les idéologues ont annoncé 11 y a quelque temps. Le Mitteleuropa économique sous forme d'une union douanière est en voie de devenir une réalité. Voici les faits :

Le 7 courant à la grande commission du Reichstag allemand le directeur aux Affaires Etrangères, Johannes, a annoncé que les gouvernements allemand et austrohongrois préparent une union douanière entre l'Allemagne et la Double Monarchie. Donnant une explication des pourparlers économiques à Brest-Litovsk et notamment de la future application de la clause de la nation la plus favorisée, Johannes a dit ceci :

« Du côté de l'Allemagne un nouveau fait est intervenu : Nous avons annoncé (aux Russes) que nous devons nous réserver le règlement spécial de nos rapports avec l'Autriche et avec les autres pays, avec qui nous concluerons une union douanière. » (Vossische Zeitung 8. L.)

Ajoutons que les bons Russes de Lénine dont Johannes dit avec malice que « ces Messieurs bien qu'ils soient extraordinairement intelligents et éduqués, ne possèdent pourtant que des notions menues dans le domaine de l’administration pratique » se sont déclarés prêts à reconnaître dans les grandes lignes, « les relations spéciales qui existent entre la nation allemande et l'Autriche-Hongrie ».

Cette réserve faite à Brest-Litovsk ne se prête à aucune interprétation équivoque. Elle est claire. Il s’agit de l’union douanière non seulement avec l’Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Turquie, mais probablement avec d’autres pays « indépendants » de la Russie décomposée que l'Allemagne vou-

FEUILLETON

Pour ne citer que des arguments dont la vérification

IL — Que limmigration serbe du Vile siècle s'étendit

Les Conférences de M. ANDONOVITCH

M. Andonovilch, professeur à l'Université de Belgrade, vient de terminer une série de conférences sur la Macédoïne, faites ici à Genève, les 8, 10 et 17 février.

Dans son introduction, M. Andonpovitch! a donné un aperçu général de la situation balkanique en montrant la différence

entre la politique des Serbes et celle des Bulgares pendant

les dernières décades. Tandis que les premiers soutenaïent le principe des Balkans aux peuples balkaniques, les Bulgares, eux, saisirent la première occasion pour amener dans la péninsule Les conquérants étrangers de même que les Grecs de Cantacusène amenèrent autrefois les Turcs d'Asie pour combattre contre les Serbes.

Aujourd'hui comme alors, l’'ingérence des peuples étrangers dans les affaires balkaniques ne pouvait être que fatale aux nations balkaniques. Aveuglés par la häine, les Bulgares semblent avoir oublié les leçons du passé. De tous les envahisseurs de la Serbie, prétend M. Andonovitch, les Bulgares sont ceux dont l'agression s’affirma avec le plus de cynisme. Tandis que les AustroAllemands tâchèrent de donner à leur pénétration un semblant de justification prétendant qu'ils viennent pour «organiser et civiliser » la Serbie, les Bulgares eux, avoiuent Cyniquement qu'ils n'ont guère d'autre souci que de supprimer leurs voisins et leurs adversaires en déclarant qu'il ny a pas de place dans les Balkans pour plusieurs nalionis. us ei

Passant en revue les différentes périodes de l’histoire des peuples balkaniques, M. Andonovitch n’eût pas grandpeine à démontrer, d’après les documents dont la valeur

Semble être indiscutable le caractère purement serbe de la population de la Macédoine.

est à la portée de tous, M. Andonovitch a retenu l'attention de son auditoire sur le contenu du Neues Conversation Lexicon de YŸ. Mayer, édition de 1867, qui renferme l'affirmation suivante: que lempereur byzantin Héraclius, en 638, assignia la Macédoine comme domaine aux Serbes, une branche des Sarmates, el (qui passant à travers la Mésie supérieure vinrent s'établir à cet époque en Macédoine.

Chose curieuse dans l’édilion récente du même Lexicon on ne lrouve plus ce passage relatif à l'immigration serbe en Macédoine.

Dans la nouvelle biogräphie générale publiée à Paris, 1861, on ltrouve aux pages 256, 59 et 258 les lignes suivantes : «Se défiant de leur bonne! foi (il s’agit des Avares), l’empereur Héraclius permit en 620 à des peuples slaves, les Croates et les Serbes, de s'établir dans la partie de l'empire compris entre lAdriatique, le Danube et le Hemus {Balkanis). Ç

La grande Encyelopédie, pages 1133-1146, sous le titre « Héraclius empereur byzantin» (610-641): « Deux autres peuples slaves les Croates et les Serbes furent les instruments de sa prévoyante politique. Du mord des Carpathes il les attira au-delà du Danube en leur offrant à ceux-là {aux Croates) la Dalmatie d'où ils délogèrent les Avares; à ceux-ci (aux Serbes) 1a Mésie supérieure, la Dacie inférieure, et la Dardanie entièriement dépeuplées. :

M. Andonovitch. faisant un résumé des faits historiques exposés par lui conclut :

IL — Que dès le Ille et le IVe siècle onj trouve sous les noms des Slaves. les Serbes dans toute la région comprise sous le mom d'Iliricum et que ces Slaves s’appelèrent eux-mêmes Serbes ou encore Wendes (ce dernier nom se rapportant aux Slaves du Nord) comme on en trouve d’ailleurs la confirmation dans l’histoire générale de Lavisse et Rambeau.

sur toutes les régions, depuis le Danube jusqu'à la mer Egée, en y comprenant la Vallée de Kossovo et celle du ‘Vardar.

III. — Que la Dacie habitée par les Serbes comprenait la région qui s’étendait à l’est jusqu'au fleuve Isker, englobant les villes de Sofia et de Kusterdil.

IV. — Que d'après les sources bulgares et l’histoire des Bulgares de Yiritchek, ceux-ci restent confinés jusqu'à l’année 800 entre le Danube, le Balkan, le fleuve Osma

et la Mer Noire ne dépassant pas le fleuve Isker À l’ouest V. — Que la domination provisoire des Bulgares sur

la Macédoine n’a laissé aucune trace de culture dans æ pays vu le caractère purement militaire de cette domination. VL — La rivalité entre les Bulgares et les Serbes pour la possession de la Macédoine fut définitivement décidée à l'avantage des Serbes par la bataille de Kus

terdil (28 juin 1330) (Jschirkov, professeur de géographie

À l'Université de Sofia, « Les confins occidentaux des terres bulgares », D: 2%) « Les confins occidentaux di VIT. ce Que Cest aux Serbes que les Turcs prirent la RARE à la bataille de Kossovo 1889 et que c'est St CS el non aux Bulgares que les Serbes la reprirent M. Andonovitch passe ensuite à certai s Im isti s certains arguments 1 guistiques prouvant qu'un grand nombre des localités m RER portent les noms et les dénominations provepur du cup serb, tel par exemple Serbiani, Serbe, ete UT (Serbie), tandis qu'il n’y a guère de la got bulgère. noms qui auraient leur racine dans e qui donne à la démonstration de M. Andonovitch une valeur particulière, c'est que M. Andonovitch lui ee [macédonienne et par conséquent le u € arler dun à ; son pays natal. Parler de l’origine et du caractère